Memento Mori

Memento Mori, c'est un vaste projet de saga historique sur laquelle je travaille depuis des années.
Le titre a varié, j'ai d'abord pensé à Oriens, puis à Gigantomachia, avant de m'arrêter sur Memento Mori, une expression latine qui signifie "Souviens-toi que tu vas mourir".


Le fond historique : l'empire romain confronté aux invasions barbares jusqu'au premier sac de Rome par les Goths (390-410). 

Au départ je suis historien, j'ai effectué plusieurs travaux de recherche universitaire sur la période de l'Antiquité Tardive, je vais même très prochainement publier un véritable livre d'Histoire avec un grand H sur l'armée romaine de la fin de l'Antiquité. Comme vous l'avez compris, je suis passionné par cette période qui recèle d'infinis trésors : des anecdotes croustillantes, des épisodes dramatiques qui font frémir, des luttes politiques dignes de Games of Thrones, et des problématiques très similaires aux nôtres qui offrent de grandes pistes de réflexions sur notre propre époque.

Les personnages de mon roman sont historiques.

Dans la plus pure tradition des peplums, j'ai choisi les protagonistes de mon histoire parmi des personnages historiques. Vous en connaissez sûrement au moins un : Alaric, le chef goth qui a pris Rome. Les autres ne vous diront quelque chose que si vous vous êtes intéressés à cette époque en détails : Anthemius Isidorus, Flavius Vincentius, Butheric, Jovius, Gaudentius, Cesarios, Ambroise, Jean Chrysostome, Flavius Richomeres, Gerontius, Nicomaque Flavien, Rufin, Eutrope, Gaïnas, Sarus, Goar, ...
Je ne néglige pas non plus les femmes, même si malheureusement, j'ai dû souvent inventer leurs noms, car les auteurs antiques, ces incorrigibles phallocrates ont eu tendance à oublier de mentionner leurs noms, préférant les appeler "la femme de Cesarios", "la femme de Bargos", "la femme d'Alaric", "la soeur d'Alaric", etc. Heureusement, certaines ont laissé une trace aussi importante que les hommes : l'impératrice Eudoxie, femme de l'empereur Arcadius, Séréna, nièce et fille adoptive de l'empereur Théodose, Galla Placidia, fille de l'empereur Théodose... et pour cause, ces femmes n'ont pas laissé le souvenir d'avoir été de faibles femmes, bien au contraire.
Les lacunes des sources sont un casse-tête pour l'historien de l'antiquité, toutefois, le romancier pallie avec son imagination, et cela a finalement été pour moi un avantage : tout en suivant au mieux l'Histoire, je dispose de grandes libertés pour décider de l'évolution de mes personnages et de leurs interactions. J'ai donc inventé des histoires d'amour et d'amitié, des inimitiés, tout en respectant la cohérence historique. L'avantage de ce choix, c'est la grande quantité d'anecdotes à leur sujet, et parfois même de leur description physique ou morale, et puis avouons-le, les gens aiment bien les histoires qui se passent dans les hautes sphères, sinon comment expliquer les succès des œuvres d'Alexandre Dumas, des Rois Maudits de Maurice Druon, de peplums comme Cléopâtre, Spartacus, Caligula, et Agora, ou plus récemment de Games of Thrones ?



Des scènes historiques qui vont surprendre :

Comme je l'ai déjà fait dans mon roman Conspiration barbare, j'utilise souvent des scènes tirées directement des auteurs contemporains de la période, ceci afin de donner à mon récit un peu plus de réalisme. Je fais donc une chasse, dans les sources historiques, à tout ce qui peut donner du corps à mon roman. Il arrive parfois que certaines scènes prélevées dans les documents historiques soient dignes de romans. C'est ainsi que certains lecteurs risquent de croire que j'ai inventé certaines scènes alors que ce n'est pas le cas.
Par exemple, le premier tome de la saga, "Jeux Sanglants", se déroule presque entièrement à Thessalonique en 390. Je commence mon histoire par un premier événement, déclencheur de toute une série d'autres calamités : le viol d'un esclave par un cocher célèbre. Cet esclave était un jeune homme d'une grande beauté, il appartenait à un général goth de l'armée romaine, Butheric, qui s'était pris d'affection, voire peut-être de passion pour ce beau domestique. Le cocher, quant à lui, devait concourir dans les jeux de l'hippodrome, organisés par Butheric, il était connu en Macédoine, on dirait aujourd'hui une véritable star du sport, avec d'innombrables fans dans la population. Suite au viol, Butheric a fait arrêter le cocher pour son crime, mais le peuple a réclamé vainement la libération de son idole. Devant le refus de Butheric, le peuple s'est soulevé et a tué Butheric et d'importants magistrats en leur lançant des pierres.
J'ai intégralement repris cette histoire pour l'intégrer à mon roman, je n'ai pas inventé l'esclave, ni le cocher, ni le viol.
Tout cela constitue le début du roman et de la saga.
Deuxième exemple : le personnage de Xena, femme du marchand Bargos. On pourrait croire que cette femme n'a pas existé, mais en fait si, elle n'aimait pas son mari au point d'être la cause de sa disgrâce. A partir de ce fait historique, j'ai pu imaginer la personnalité d'une femme de marchand très remontée contre son mari, lui trouver un nom, l'habiller de défauts et de qualités pour la rendre intéressante.



Alaric jeune ? 



J'ai choisi de raconter la jeunesse de personnages historiques qui n'apparaissent que plusieurs années plus tard. Alaric est le plus connu d'entre eux, il n'apparaît dans l'Histoire qu'en 391, et encore cela est bien maigre, il ne commence à être connu des Romains qu'en 394. Ce qu'il a fait pendant quatre ou cinq ans auparavant, j'ai décidé de l'imaginer. Oh, je m'inspire néanmoins de faits pour justifier mes choix : en 390, je fais d'Alaric un protector domesticus, un membre de la Garde impériale, et accessoirement apprenti-général. D'abord parce qu'en 394, Alaric est un jeune général de l'armée romaine, ensuite parce que le passage dans les protectores était chose courante, y compris chez les nobles étrangers.
Par commodité, j'ai préféré placer Alaric au cœur des drames qui ont lieu à Thessalonique.
Ses amis romains aussi sont jeunes et placés intentionnellement dans la même ville. Jovius, j'ai essayé de m'imaginer ce personnage historique majeur des années 409-410, une vingtaine d'années auparavant, tout cela à partir des impressions laissées par les sources. Comme il était lié par son père au gouvernement des provinces d'Illyrie, je l'ai logiquement mis avec celui-ci dans la capitale de l'Illyrie de l'époque, à Thessalonique donc. J'y ai ajouté une sœur qui a pris une place croissante au fur et à mesure de l'achèvement de mon premier tome, ça n'a par contre rien d'historique, c'est le romancier qui a pris le dessus.
Isidore est le personnage central de ma saga, peu connu, c'est pourtant un personnage historique de premier plan qui a été ministre de l'empire romain d'Orient pendant des années au début du Ve siècle. C'est aussi un parent du futur empereur d'Occident Anthemius (467-472). Isidore est le fils d'un autre grand ministre de l'empire d'Orient : Anthemius, à ne pas confondre avec l'empereur susnommé. Père et fils ont connu la gloire du consulat et, chose pas si courante à cette époque, ont survécu aux complots et aux disgrâces. Là encore j'ai inventé totalement sa jeunesse, hormis son origine d'Alexandrie. J'ai voulu montrer les débuts d'une carrière d'un fils de grande famille, et j'ai malicieusement placé celle-ci à Thessalonique et mis mon héros au cœur des drames, des complots et des passions. Le pauvre n'en sortira pas indemne, c'est dans ces crises successives que je souhaite construire la personnalité d'Isidore au fil des années.

Thèmes de la saga :  

Dans Memento Mori, je développe beaucoup certains thèmes qui nous concernent par effet de miroir historique.  Cette période est celle des migrations. A l'époque des nationalismes des XIXe et jusqu'à la première moitié du XXe siècles, nos historiens appelaient ce phénomène "les grandes invasions barbares". Les historiens allemands s'opposaient aux historiens français, transposant les conflits franco-allemands dans l'histoire romaine : pour les Allemands, les barbares germains avaient apporté un renouveau dans la civilisation européenne en renversant l'ordre romain considéré comme décadent et corrompu. Pour les Français, la civilisation romaine était assassinée par les barbares, le Germain étant alors vu comme un cancer. Par la suite, les historiens marxistes voyaient plutôt les choses sous l'angle de l'impérialisme romain oppresseur de peuples et les invasions étaient finalement un moyen de libération. Et puis aujourd'hui, avec notre mondialisation, nos historiens ont commencé dans les années 90 à changer le mot "invasion" par "migration" et à critiquer la notion de barbarie.
En fait, chaque idéologie raconte notre passé d'une manière différente, et souvent contradictoire avec la précédente. J'ai envie de remettre les pendules à l'heure : aucune idéologie n'a raison. Il faut se garder de vouloir à tous prix justifier ses idéaux dans les exemples historiques, car on finit par ne voir que ce qu'on a envie de voir. Par exemple, l'historien nationaliste français Ferdinand Lot, essayait dans les années 1930 de dresser la liste de chaque Germain dans les institutions romaines, il s'efforçait de trouver toute inspiration gemanique dans la civilisation romaine, et jugeait celles-ci systématiquement mauvaises. Aujourd'hui, certains historiens mondialistes ne voient plus l'étranger que comme un apport bénéfique et minimisent systématiquement les violences : pillages, massacres, viols... Certains le reconnaissent mais disent que trois ou quatre siècles plus tard est née la brillante civilisation médiévale. C'est comme si on vous disait aux Syriens ou aux Congolais victimes de guerres atroces : rassurez-vous dans 300 ans votre pays sera formidable !



Je ne vais pas polémiquer, mon objectif avec Memento Mori n'est pas de minimiser ni de haïr les barbares, je souhaite, sources à l'appui, montrer tous les cas de figure de cette période migratoire : des Germains romanisés, des pillards, des violeurs, des assassins, et des amoureux de la civilisation romaine, des étrangers loyaux, et des Romains qui ne se comportent ni plus mal, ni mieux que les barbares. Par exemple, nous avons Eriulf, un Goth qui n'aime pas les Romains et qui espère rejoindre les bandes qui pillent les provinces romaines, et nous avons Fravitta, un autre Goth, converti à l’hellénisme et à la philosophie, fidèle serviteur de l'empire romain, deux positions extrêmes qui finissent par en venir aux mains au cours d'un banquet en présence de l'empereur ! Chez les Romains, c'est la même chose : le discours De Regno de Synesios de Cyrène pourrait être comparé aux propositions des leaders d'extrême-droite actuels face à la crise migratoire, mais le même Synesios dans d'autres textes est plus favorable aux étrangers, de même le rhéteur Themistios est pour l'accueil des réfugiés goths sur le territoire de l'empire en invoquant la philanthropia. Les étrangers dans l'empire romain ont fourni des soldats, des généraux, des évêques et des saints, certains se sont mariés avec des Romaines comme Gaudentius, le père du célèbre Aétius, que l'on croit à tort comme un pur romain, alors qu'on dirait de lui aujourd'hui qu'il s'agit d'un métis, issu de deux cultures différentes.
Je souhaite aussi casser des idées reçues sur les barbares et sur la perception qu'en avaient les Romains des années 390-410. D'abord les Goths n'étaient pas considérés comme des Germains, même si nos ethnologues et nos linguistes le font. Les Germains, pour les Romains, étaient les peuples habitant de l'autre côté du Rhin : les Francs, les Alamans, les Saxons... tandis que de l'autre côté du Danube, les Romains préféraient le terme de "Scythes", en référence à un peuple disparu depuis longtemps. Ainsi, étaient considérés comme Scythes des peuples très différents comme les Goths, les Gépides, les Sarmates, les Alains et les Huns. Les Romains avaient trouvé quelques points communs à ces peuples qui n'étaient certes pas linguistiques ni les traits physiques (les Alains étaient des Iraniens blonds ! Les Huns des Turco-Mongols, les Goths des Scandinaves mêlés certainement aux ancêtres des Slaves)  mais des aspects plus culturels comme le costume ou une certaine façon de vivre. Par exemple, les Huns et les Alains ont influencé les Goths dans la façon de faire la guerre, et ainsi les Romains avaient affaire à des peuples cavaliers, maniant soit la lance et l'épée, soit l'arc et le lasso, spécialistes dans les tactiques de harcèlement, d'embuscades et de fuites simulées. Les Germains occidentaux, quant à eux, se battaient beaucoup plus comme les Romains, il s'agissait surtout de fantassins armés de lances. La noblesse alamanne était très romanisée, quant aux Francs, on en trouve à tous les niveaux de l'armée romaine, les officiers et généraux francs sont nombreux, ils vivent dans des villas romaines, et la plupart ont la citoyenneté romaine, certains sont consuls et siègent au Sénat ! Le général franc Rumorid a été un des défenseurs de la religion traditionnelle romaine, et ses amis étaient des Romains de pure souche comme Symmaque et Nicomaque Flavien. Le général franc Richomeres, a combattu les Goths dans l'armée romaine, a mené les négociations de paix avec ceux-ci, et correspondait avec des philosophes et des rhéteurs romains comme le païen syrien Libanios, lequel raconte que le barbare avait insisté pour le rencontrer à Antioche, et n'avait pas pu se retenir, à la vue du célèbre vieillard, de le serrer dans ses bras ! On peut donc largement remettre en question l'image traditionnelle et réductrice du barbare en peau de bête destructeur d’œuvres d'art, ennemi de la civilisation...
L'autre thème principal de la saga est le fanatisme religieux : cette époque a vu la montée en force du christianisme, religion qui finit par écraser toutes les autres et se mettre à son tour à persécuter. En 391, un édit impérial interdit les cultes païens et c'est le début des destructions de temples. Les sources montrent qu'il y avait des chrétiens fanatiques, guidés par des évêques extrémistes qui soulevaient les foules de miséreux dans les villes et cela pouvait dégénérer en massacres : les Juifs de Callinicum en 387, ou les Goths ariens de Constantinople en 400. Ces fanatiques parcouraient aussi les campagnes et s'attaquaient aux idoles et aux cultes païens, affrontant les paysans dans des bagarres qui faisaient couler le sang. Les lois sont influencées par la morale chrétienne et ainsi les femmes perdent totalement leur liberté sexuelle, risquant la mort en cas d'adultère, les homosexuels sont également condamnés au bûcher, ainsi que les apostats et les blasphémateurs. En 385 a lieu le premier bûcher d'un chrétien pour hérésie, charmante époque ! Bien sûr, il ne faut pas non plus dire que tous les chrétiens étaient des fanatiques, je me garde bien de faire cet amalgame, mais le parallèle avec notre époque est très tentante.
Et enfin, dans Memento Mori, je souhaite plonger mes lecteurs dans la découverte d'une société beaucoup plus organisée que les historiens de la décadence l'ont laissé croire au grand public : l'empire romain tardif, c'est une vaste organisation administrative dont la cellule de base est la cité, sorte de petit département antique, avec des collecteurs d'impôts, une poste impériale avec des relais dans tout l'empire, des unités militaires régulières avec un système de soldes annuelles, de fournitures et de casernement, un système commercial développé avec des navires marchands et des ports actifs, des villes dotées de thermes, de toilettes, des loisirs pour le peuple avec les hippodromes, et des systèmes d'aides alimentaires pour les miséreux. Songez qu'à la fin du 4e siècle, la ville de Rome nourrit gratuitement des centaines de milliers de personnes, alors qu'en France au 21e siècle, l'aide alimentaire est gérée par des associations privées. J'essaye de faire découvrir les différentes fonctions étatiques, les ministres de l'empereur, les fonctionnaires, et les militaires, ainsi que leurs problèmes, les ambitions personnelles, et la corruption.




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