lundi 27 août 2018

Personnages féminins dans le roman historique : faire du féminisme quand même.




En écrivant Britannia et Oriens, deux romans qui se déroulent au 4e siècle de notre ère, je me suis heurté à un épineux problème : comment rendre intéressants des personnages féminins dans une époque sexiste où la religion reléguait les femmes à un rôle passif en société et dans un univers fondamentalement patriarcal. Alors que nous Occidentaux, nous sortons à peine de ce modèle, nous savons que les personnages féminins dans les romans et les films ont longtemps été cantonnés au rôle de faire-valoir du héros masculin. J'ai pourtant trouvé des solutions viables et j'ai envie de les partager avec vous.
La première solution consiste à combattre les préjugés que nous avons d'une époque. Pour cela, quoi de mieux que de s'intéresser aux sources historiques de façon approfondie.


















Les préjugés sont tenaces sur une époque ou sur une société étrangère. Par exemple, on imagine les femmes faibles dans une société patriarcale, j'ai envie de dire pas forcément. Regardez les vieux films français, ceux d'avant la révolution féministe des années 70, et vous verrez de nombreux personnages féminins forts, notamment incarnés au cinéma par des femmes comme Jeanne Moreau, Simone Signoret ou Annie Girardot.




Pour le moyen-âge et l'antiquité, c'est la même chose, il faut faire très attention à nos idées reçues, lesquelles sont souvent amplifiées par une lecture superficielle des sources. Attention aux discours qui donnent une image déformée de la société dans laquelle ils ont été produits. Par exemple, vous imaginez bien qu'il existe un grand décalage entre les discours féministes d'un côté, moralistes des religieux de l'autre, les lois et le traitement médiatique, et la réalité de la vie des femmes que nous vivons aujourd'hui.




Pour ce problème, j'ai une solution : mettez les discours de côté et trouvez des exemples historiques de personnages féminins pour voir un peu plus la réalité. Les discours veulent façonner une société, ils ne reflètent pas forcément la vérité. Ainsi, au 4e siècle de notre ère, si l'on lit les sermons d'Augustin d'Hippone, de Jean Chrysostome, ou d'Ambroise de Milan, tous trois évêques célèbres et pères de l'Eglise, nous avons une image déformée de la réalité. Ainsi prêchent-ils évidemment la virginité jusqu'au mariage, la fidélité des épouses. De même chez Synésios de Cyrène, j'ai trouvé une critique très féroce à l'encontre d'une femme “ entreprenante, audacieuse, remuante, avide de nouveautés” . C'est cela le problème : les moralistes critiqueront toujours celles et ceux qui dévient de leur idéal, ce n'est pas pour autant qu'il n'y a pas de “déviants”.




Reste le problème des lois : au 4e siècle, les lois sont très claires et définissent pour les femmes des rôles bien précis. En fait, l'empire romain divisait juridiquement la société en deux castes d'hommes libres : les honestories (les “honnêtes gens”) et les humiliores (les “humiliés”, les “humbles”). Les honestories étaient les élites sociales, à savoir tous les propriétaires de terres, les commerçants, etc., tandis que les humiliores étaient la masse des travailleurs, paysans, ouvriers, manoeuvres, et tous les métiers des pauvres gens. Leur statut juridique était inférieur à celui des honestories, ils étaient considérés comme des témoins moins fiables, le juge pouvait les torturer pour les faire avouer un crime ou une complicité, etc. Et pour les femmes, il faut remarquer que les moralistes qui faisaient les lois, avaient visiblement renoncé à contrôler la moralité des humbles, puisque seules les femmes honestories, c'est à dire de l'élite sociale, étaient tenues légalement à une conduite morale irréprochable. Par exemple, l'adultère était puni de mort pour les femmes honestories, mais toléré pour les femmes du peuple. Les chrétiens de cette époque regardaient la société depuis le haut, et faisaient semblant d'ignorer cette masse grouillante de gens qui leur paraissaient vulgaires. Les paysans, d'ailleurs, qui constituaient 80-90% de la société, avaient pour nom “paganos”, ce qui a donné “païens”, puisque pendant longtemps, la foi et la moralité chrétienne n'ont pénétré les campagnes qu'en surface. Il faut attendre le 16e siècle pour que les élites chrétiennes se préoccupent des paysans et décident de les christianiser de façon plus stricte (Réforme protestante et Contre Réforme Catholique). C'est d'ailleurs pendant cette période que se déroula la grande chasse aux sorcières dont beaucoup de femmes paysannes furent victimes en Europe. C'est à cette époque que les puritains anglais de Cromwell faisaient des descentes dans les fêtes de villages afin de les terroriser la Bible à la main en menaçant les pauvres paysans du châtiment éternel s'ils continuaient à boire, danser, chanter et batifoler dans les prés comme ils le faisaient depuis des millénaires. Ainsi donc, attention aux préjugés car ce n'est pas parce qu'une époque ou une société est officiellement religieuse que cela concerne tout le peuple. En Europe, tant qu'il n'y avait pas de bandes de fanatiques arpentant les villages, les campagnes sont restées globalement à l'abri d'un fondamentalisme chrétien.








Revenons au 4e siècle, j'ai dit que seules les élites étaient surveillées au niveau de la moralité, notamment sexuelle, mais là encore, les histoires des femmes de l'époque contredisent parfois ces faits. Oui il y a des saintes, c'est à dire des femmes mises en avant par la propagande chrétienne (les vies de saints) et érigées en modèles de sainteté (Sainte Mélanie par exemple), oui les évêques cités plus haut vantaient les mérites de telle ou telle femme qui avait décidé de vivre une vie austère à l'abri des tentations du monde. Mais je trouve de nombreuses femmes tout à fait différentes, y compris dans la haute-société.




Par exemple, la femme de Cesarios est décrite ainsi par Synésios de Cyrène dans un texte qui raconte quelques années après, les événements de la crise barbare de 399-400 :




Sa femme partageait ses regrets: elle était méchante comme lui; songeant surtout à se parer, n’aimant que le théâtre et la place publique, elle voulait et elle croyait attirer sur elle tous les regards.
Typhon (Cesarios) l’aimait éperdument; quoiqu’avançant déjà en âge, on eût dit que, semblable à un jeune homme, il en était à sa première passion. A sa douleur s’ajoutait la honte d’avoir promis à sa femme qu’il serait roi et qu’il partagerait avec elle son autorité. Même dans la condition privée, elle se faisait déjà remarquer par les contrastes qu’elle réunissait en elle : plus que toutes les femmes, on la voyait rechercher le luxe, prendre soin de sa beauté, donner un libre cours à toutes ses fantaisies; et plus que tous les hommes, elle était entreprenante, audacieuse, remuante, avide de nouveautés. Elle s’était entourée, pour l’exécution de ses desseins, de courtisanes et de mercenaires qui lui étaient tout dévoués, et obéissaient à ses volontés au dedans comme au dehors de son palais. Une bande nombreuse de jeunes débauchés envahit son palais. Ce n’étaient que festins et orgies pour passer le temps et pour adoucir l’amertume des regrets. On s’ingéniait surtout à oublier, par toute sorte d’excès, le bonheur d’Osiris (Aurélien) : on faisait creuser de vastes bassins; dans ces bassins on élevait des îles, et dans ces îles on construisait des thermes, où les hommes pouvaient se montrer nus au milieu des femmes, et satisfaire librement tous leurs désirs.” (Synésios, De Providentia)




Evidemment, Synésios ne portait pas cette femme dans son coeur et comme presque tous les chrétiens de son temps, il désapprouvait sa conduite, notamment son libertinage. Mais si on relit cette description en éliminant le jugement moral dû à l'époque et aux convictions religieuses de l'auteur, alors on se rend compte que justement, ce qui déplaisait à l'époque, c'étaient justement les femmes qui se conduisaient comme les femmes d'aujourd'hui : entreprenantes, audacieuses, sexy, sexuellement libérées… et il y en avait, la femme de Cesarios n'est pas la seule à avoir été critiquée à cette époque.







Eudoxie, fille du général Bauto, un Franc apparenté aux Mérovingiens, devient l'épouse de l'empereur Arcadius. Cette jeune impératrice a vite pris le dessus sur son mari, et elle a joué un rôle politique important, noué des alliances, fomenté des complots, organisé un coup d'état contre les Goths, etc. Elle fut d'ailleurs à un moment l'ennemi personnelle de la femme de Cesarios, à tel point que Synésios de Cyrène, quand il raconte des faits survenus à Constantinople pendant son séjour dans la capitale orientale, place deux femmes au centre des luttes politiques : la femme de Cesarios, et la femme du général goth Gaïnas, tandis que Jean Chrysostome et tous les auteurs du 5e siècle donnent à Eudoxie une place prépondérante. Jean Chrysostome dit d'Eudoxie que c'est une nouvelle Jézabel. Qu'a-t-on reproché à Eudoxie ? D'abord de détenir l'autorité politique réelle, ensuite de vouloir officialiser sa fonction d'impératrice, elle est la première Augusta, elle fit dresser des statues à son image, et cela provoqua un scandale dans tout l'empire, l'Occident refusant de la reconnaître. Mais quoi qu'il en soit, une femme pouvait à la fin du 4e siècle et au début du 5e siècle, prendre le pouvoir et s'affirmer comme la plus haute autorité.










D'autres femmes ont laissé leur marque : Séréna, femme du général Stilicon et fille adoptive de l'empereur Théodose, est une jolie espagnole qui laissa le souvenir, certes d'une épouse qui soutient fidèlement son mari, mais aussi d'une femme de caractère, ambitieuse et qui savait intervenir politiquement lorsqu'il le fallait (intervention en faveur de Sainte Mélanie). Elle fut victime de l'épuration qui suivit la chute de son mari et d'un procès inique qui l'accusait d'avoir fait venir les Goths devant Rome pour venger son mari et son fils. Et là encore, une autre femme faisait partie des témoins de l'accusation : la célèbre Galla Placidia, alors âgée de seulement 16 ans !





Donc, Galla Placidia, fille de Théodose, est là encore une femme d'exception : prise en otage par les Goths d'Alaric, son successeur Athaulf se marie avec elle et ensemble ils rêvent de redresser l'empire romain. Mais leur fils meurt quelques jours après la naissance et Athaulf est assassiné. Galla Placidia est finalement rendue aux Romains et remariée au général Constance, qui devient brièvement empereur. Veuve d'un roi goth et d'un empereur, Galla Placidia devient une sorte d'impératrice-mère pour son fils Valentinien III, elle est la figure emblématique de la fin de l'empire romain d'Occident. Elle avait une garde personnelle de guerriers goths dont elle fit usage parfois pour régler ses comptes. On ne plaisantait pas avec cette femme là.











Parmi les “saintes” de cette époque, on trouve des femmes d'exception, et pas uniquement sur le plan de la foi : Sainte Geneviève de Paris, dans la deuxième moitié du Ve siècle avait des fonctions municipales normalement réservées aux hommes si on s'en tient aux lois de l'époque. Or c'était bien une femme qui s'occupait du ravitaillement de la cité et de questions d'urbanisme, voire même de diplomatie, puisqu'on la dit avoir joué un rôle pour éviter à la cité d'être attaquée par Attila.





A l'opposé, la philosophe païenne Hypatie d'Alexandrie a été une figure importante de cette époque. Elle fut d'ailleurs la professeur de Synésios de Cyrène cité plus haut, qui lui vouait le plus grand respect. Hypatie a été lapidée par des fanatiques chrétiens en 411, elle a récemment fait l'objet d'un film hollywoodien dans l'ensemble assez fidèle aux sources.













Au Ve siècle encore, un texte grec raconte que lors d'une bataille entre Romains et Huns, des officiers romains voulurent compter le nombre de morts chez les guerriers huns, et s'aperçurent avec surprise qu'il y avait des femmes parmi les cavalières armées. En effet, les Huns, comme d'ailleurs bien d'autres peuples considérés comme barbares par les Romains et les Grecs, donnaient la possibilité aux femmes qui le souhaitaient de devenir guerrières. Et il est prouvé de surcroît, que les femmes sont meilleures que les hommes au tir à l'arc, et comme c'était l'arme favorite des Huns, on devine que des femmes huns devaient être redoutables.





Au 6e siècle, une femme a eu un destin encore plus extraordinaire : Théodora, une danseuse et prostituée séduisit Justinien qui se maria avec elle et lorsqu'il devint empereur, Théodora devint logiquement impératrice. Ce fut elle aussi une femme à poigne, qui prit l'ascendant sur son mari. Selon l'historien Procope, Théodora était une femme experte en sexualité. Elle plaça ses anciennes amies danseuses en les mariant à des hommes importants, et couvrit même les frasques de certaines en faisant tabasser les hommes qui voulaient divorcer !









L'évêque Félix (527-582) était le véritable dirigeant de la cité de Nantes, cumulant alors les fonctions de comte et d'évêque. Mais derrière cette figure emblématique des débuts de l'Histoire de Nantes, il y avait des femmes. Marié avant d'être évêque, il garda son épouse, ce qui était la norme à l'époque, mais il fut tout de même réprimandé par un concile d'évêques armoricains parce que sa femme refusait de quitter le lit de son époux ! On apprend également que sa nièce voulait se marier avec un homme qui ne revenait pas à Félix. Celui-ci la fit enfermer pour l'en empêcher, mais grâce à des complicités, elle fit parvenir des lettres à son amoureux, et put organiser son évasion. Comme quoi au VIe siècle, la passion pouvait aller contre la famille.





Deux reines mérovingiennes célèbres se sont affrontées pendant des décennies, plongeant la Gaule franque dans de sanglantes guerres civiles : Frédégonde, femme du roi Chilpéric et Brunehaut, femme du roi Sigebert. La première était une danseuse qui sut charmer le jeune roi et devenir reine. Mais elle fit assassiner sa rivale qui était la soeur de Brunehaut. Cette dernière lui voua une haine farouche. Leur guerre provoqua la mort violente de leurs maris respectifs et continua même après. Un épisode marquant eut lieu lorsque Brunehaut prisonnière de Frédégonde parvint à séduire le fils du roi Chilpéric et de s'enfuir avec lui. Un autre épisode est le procès de l'évêque de Tours Grégoire : accusé d'avoir répandu le bruit de la liaison entre la reine Frédégonde et l'évêque de Bordeaux, il risquait la mort, mais put s'en tirer en passant ses accusateurs à la torture. Les hommes torturés "avouèrent" avoir proféré des mensonges pour le compte de Félix de Nantes, et du comte de Tours Leudaste, ennemis jurés de Grégoire et de la reine. Évidemment, l'honneur de la reine était sauf. Si Frédégonde est morte de maladie, son fils Clotaire poursuivit la lutte contre Brunehaut et cette dernière, battue en 614, finit écartelée par quatre chevaux.










Vers 520, un ouvrage érotique écrit par Aristénète à Constantinople, raconte des tranches de vie assez coquasses qui en disent long sur la vie sexuelle des femmes de cette époque. Une jeune femme craint que son futur mari s'aperçoive qu'elle n'est plus vierge et demande conseil à une femme expérimentée qui lui révèle ses secrets pour simuler la virginité lors de la nuit de noce ; la femme d'un avocat se plaint que son mari passe ses soirées à préparer ses plaidoiries au lieu de lui faire l'amour ; un homme cache les vêtements d'une femme qui se baigne nue dans une scène digne d'une chanson de Brassens. En lisant cet ouvrage, on se rend compte que les femmes de ce temps n'avaient rien à envier avec celles d'aujourd'hui.





Il y a des femmes intéressantes avec Mahomet, personnage de la fin du VIe siècle. On nous dit dans les légendes musulmanes écrites deux siècles plus tard, que Mahomet, alors jeune et beau chamelier séduisit sa patronne Khadidja, une riche veuve âgée de vingt ans de plus que lui, ce que les médias appellent vulgairement aujourd'hui une “cougar”, serait à l'origine d'une des religions les plus importantes de notre temps ! Cette femme était intelligente et autoritaire, puisque son jeune époux Mahomet, bien que prophète et chef de guerre de plus en plus célèbre en Arabie, ne put pas prendre d'autre femme avant sa mort. Car si Khadidja mit sa fortune au service des ambitions religieuses et militaires de Mahomet, elle refusa toute rivale, et comme c'était elle qui avait l'argent, le jeune prophète ne prit aucune autre épouse. Par contre, dès sa mort, Mahomet, alors maître de sa fortune, multiplia les épouses, comme s'il avait du retard à rattraper. Bien entendu ces textes tardifs sur la vie du prophète de l'Islam ne sont peut-être que des inventions ultérieures, mais ils renseignent tout de même sur l'état d'esprit d'une époque, en montrant avec la figure de Khadidja, une femme qui était tout sauf soumise aux hommes, bien au contraire.









Enfin, je vais terminer avec la fameuse Kahina, la reine berbère qui combattit les envahisseurs arabes au Maghreb dans les années 690. Cette femme exceptionnelle a mené des combats épiques contre les armées arabo-musulmanes, gagnant la bataille des chameaux. Elle avait le don de prophétesse, car ses ennemis disaient qu'elle prédisait l'avenir. Cette figure féminine incroyable lui a valu le surnom de “Jeanne d'Arc berbère” et en Algérie on lui voue un véritable culte national.














Après tous ces exemples, pris dans une époque où les religions chrétiennes et musulmanes étaient en plein essor et voulaient imposer leur morale et leur vision réductrice de la féminité au seul mariage, on s'aperçoit que la réalité était plus complexe, que des femmes pouvaient être influentes politiquement, guerrières, entrepreneuriales, ou libertines. Et si les élites nous ont laissé bien des histoires, on se doute bien que celles-ci n'étaient que le reflet de leur époque et que des femmes du peuple participaient aussi. On trouve dans l'antiquité et au moyen-âge des femmes architectes, poétesses, actrices, guerrières, philosophes, alors les exemples ne manquent pas pour les écrivains pour dépeindre des personnages féminins autres que des matrones, des vierges ou des prostituées.

mardi 21 août 2018

Auteurs indépendants : arrêtez de complexer !





L'auto-édition n'a pas toujours bonne presse. Nombreuses sont les personnes à ne pas considérer l'auto-édité comme un écrivain à part entière. Sa réputation est celle d'un raté, refusé par toutes les maisons d'édition, un mauvais écrivain qui multiplie les fautes d'orthographe, au style lourd et aux histoires stéréotypées et inintéressantes. Tout cela est sans doute vrai pour certains, c'est clair. Il faut dire que le phénomène internet a propulsé au devant de la scène des personnes qui maîtrisent les outils de la web-communication et beaucoup d'entre eux en ont profité pour mettre en avant leurs propres livres. Vous trouverez d'ailleurs ces conseils sur les sites de commerciaux de la toile, du style : comment se faire de l'argent sur le net. Inévitablement, ils vont dire : auto-publiez un livre. On a ainsi profusion de romans avec des couvertures commerciales bien travaillées mis en avant sur des blogs qui font la première page de recherche google. Évidemment, ces gens-là n'étant pas de vrais écrivains, leurs productions littéraires sont mauvaises, calquées sur les séries et les films qu'ils ont vus. Ils donnent bien mauvaise réputation aux écrivains indépendants.



Néanmoins, il faut se garder de faire des amalgames faciles. Premièrement, parce qu'il ne faut jamais généraliser. Les maisons d'édition refusent 90% des manuscrits acceptés par leurs comités de lecture, certaines maisons d'ailleurs ne publient pas de nouveaux auteurs. Vous vous doutez bien que parmi les 90%, nombreux sont les bons auteurs qui ne seront jamais publiés. D'autre part, les grosses maisons d'édition ont compris depuis quelques années qu'il est moins cher pour elles d'attendre un succès auto-édité et de lui proposer un contrat. Vous vous doutez bien, en outre, qu'il existe aussi de bons auteurs farouchement opposés au système des maisons d'édition qui s'engraissent sur le dos de ceux qui travaillent vraiment, ce phénomène est d'ailleurs général dans la mondialisation actuelle : si vous êtes producteur, les gros intermédiaires vont s'enrichir sur votre travail et vous ne récoltez que les miettes : les paysans sont pris à la gorge et bien d'autres secteurs professionnelles encore. Diriez-vous qu'un paysan qui n'arrive plus à boucler ses fins de mois parce que les prix ont chuté est un mauvais paysan ? Ou diriez-vous que les grossistes et les grandes surfaces qui augmentent les prix pour le consommateur de l'autre côté ont en quelque sorte escroqué tout le monde ? Pour le monde de l'écriture, c'est la même chose : vous, le lecteur, demandez-vous comment vous avez appris l'existence d'un roman : en général avec la télévision, ou en allant faire vos courses au supermarché, vous n'avez pas manqué les cinquante bouquins du dernier Musso alignés devant une grande photographie de l'auteur faite par un professionnel. De même avec la plupart des librairies, en passant devant la vitrine dans la rue, votre œil a été attiré par la dizaine de livres des grandes maisons d'édition. Sur internet, vous tapez "roman fantasy" ou "roman historique", ou autre, sur le net et vous regardez ce qu'on vous propose sur la première page google. Vous vous doutez bien que pour être visible, un livre a nécessité une campagne marketing extrêmement coûteuse. Ainsi, votre choix est-il décidé en amont par des commerciaux. En général, vous, lecteurs, ne connaissez pas le véritable choix qui s'offre à vous. La situation du monde artistique en général n'est pas reluisante. J'ai découvert tout seul et un peu par hasard qu'Anne Sylvestre n'avait pas arrêté dans les années 80 comme je le croyais et que ses chansons ont toujours été excellentes. A cause du silence médiatique, la majorité des gens passent à côté de chefs d’œuvres et c'est bien dommage.
















En réaction, bon nombre de bons auteurs indépendants essayent de redorer le blason de l'auto-édition auprès du grand public. Leur problème est que bien souvent, ils ont eux-aussi intériorisé le complexe d'infériorité vis à vis du monde de l'édition et leur envie consiste à ressembler à des auteurs édités, réclamant des labels de qualité, des médias alternatifs pour parler d'eux, des réseaux de distribution et l'aide de professionnels du marketing pour les mettre en avant. A mon avis, il est temps d'oublier la différence entre auteurs auto-édités et édités, temps de ne plus catégoriser de cette façon, temps de se décomplexer. Vous pensez que j'exagère ?


Alors je vous lance un défi : ci-dessous, vous trouverez des extraits de romans récents, la moitié sont des auteurs édités par de grandes maisons d'édition comme Fayard ou Gallimard, l'autre moitié sont des auteurs indépendants. Arriverez-vous à déceler (sans connaître ces récits au préalable) qui est indépendant et qui ne l'est pas ? Bien sûr, ce ne sont que des extraits, ils ne reflètent qu'une qualité stylistique, et pas la qualité du scénario par exemple. Néanmoins, ça va certainement casser vos préjugés sur ce qu'éditent les grosses écuries de l'édition. Pour preuve, en fin d'article, je vais décortiquer l'extrait d'un des romanciers français les plus connus, ceci afin de vous prouver que je ne mens pas : il y a vraiment des écrivains médiocres au niveau littéraire qui sont publiés. Alors pourquoi jeter la pierre aux écrivains médiocres auto-publiés ? Voici les extraits, top c'est parti, (réponses tout en bas de l'article) :


Extrait 1 :


Arthur caressa le marbre blanc et s'assit sur la pierre encore empreinte de la tiédeur du jour. Le long du mur qui borde la tombe de Lili, pousse une vigne. Elle donne chaque été quelques grappes d'un raisin que picorent les oiseaux de Carmel.
Arthur entendit crisser des pas sur le gravier, il se retourna pour voir Paul qui s'asseyait devant une stèle à quelques mètres de lui. Son ami, se mettait, lui aussi, à parler sur le ton de la confidence.
-Ça ne va pas très fort, hein, madame Tarmachov ! Votre sépulture est dans un état, c’est une honte ! Ça fait si longtemps, mais je n'y suis pour rien, vous savez. A cause d'une femme dont il voyait le fantome, l'abruti là-bas avait décidé d'abandonner son meilleur ami. Bon, enfin voilà, il n'est jamais trop tard, et j'ai apporté tout ce qu'il fallait.
D'un sac d'épicerie, Paul sortit une brosse, du savon liquide, une bouteille d'eau et commença à frotter énergiquement sur la pierre.
-je peux savoir ce que tu es en train de faire ? demanda Arthur. Tu la connais, cette madame Tarmachov ?
-Elle est morte en 1906 !
-Paul, tu ne veux pas arrêter tes idioties deux secondes ? C'est un lieu de recueillement ici quand même !
- Eh bien je me recueille, en nettoyant !
-Sur la tombe d'un inconnue ?
-Mais ce n'est pas une inconnue, mon vieux, dit Paul en se relavant. Avec le nombre de fois où tu m'a forcé de t'accompagner au cimetière pour rendre visite à ta mère, tu ne vas quand même pas me faire une scène de jalousie parce que je sympathise avec sa voisine !




Extrait 2 :

Pendant ce temps, le Labrong affrontait les nymphes Hespérides qui venaient de surgir dans la grotte, donnant libre cours à leur courroux divin. Atlas n'aurait pas reconnu ses filles dans ces beautés sanglées de cuir noir, genre héroïnes de mangas pour messieurs en mal de fessée (mais WOB attirait, il est vrai, plus de geeks célibataires que d'étudiantes en mythologie).


Extrait 3 :

Dardalion quitta la salle et se rendit dans une petite pièce attenante où il retira son tablier maculé de sang. Il versa de l’eau qui se trouvait dans un seau en bois dans un bol en émail et se lava rapidement ; puis, il s’habilla. Il commença d’enfiler son plastron, mais au moment de l’attacher, le poids l’accabla et il préféra laisser son armure sur sa paillasse. Il partit dans un couloir où il faisait frais. En atteignant les portes ouvertes qui donnaient sur la cour, les bruits de la bataille l’assaillirent – des épées qui s’entrechoquaient, des cris bestiaux, des ordres qu’on criait, les plaintes des mourants.


Extrait 4 :

" C'est vrai : elle aime les tours de magie; elle a toujours aimé ça. Et elle sait pourquoi. Parce que la vie , c'est comme un tour de magie. Quand on est enfant, on ne voit que le devant de la scène. C'est fabuleux, on s'émerveille, on se pose des questions, on a envie d'en savoir plus. Et puis, on grandit. Peu à peu, les coulisses se dévoilent, on réalise que c'est compliqué. C'est moins joli, c'est même parfois moche, on est déçu. Mais on continue quand même à s'émerveiller."


Extrait 5 :


Un homme d’une cinquantaine d’années au regard inquiétant, aux cheveux hirsutes, à la barbe de trois jours, se lève et vient se planter les bras en croix au milieu de la piste ; l’orchestre s’arrête alors de jouer, un silence de quelques secondes permet à la foule de fixer son attention sur le personnage, puis, quelques notes en suspension frappent l’air et donnent le la.
Dès lors, une trentaine de femmes mettent genoux à terre et frappent dans leurs mains en cadence, un autre homme plus jeune a pris sur le comptoir, une pile d’assiettes en porcelaine blanche, le danseur fait un pas de côté, puis un autre de l’autre côté, oscillant comme un marin ivre, de droite à gauche, d’avant en arrière, au rythme de la musique, tout d’abord lancinante, puis de plus en plus rapide.  Il ne semble pas que notre homme accélère sa danse mais on peut observer qu’il est toujours en rythme ; il danse sous les claquements des mains des femmes qui l’entourent et chaque fois que l’homme plus jeune fracasse une assiette par terre, elles crient.
 — Opa !

Le spectacle est fabuleux ! Notre équilibriste fléchit les genoux et vient mordre à pleines dents dans une chaise de bois qu’il porte par la mâchoire dans sa danse, la foule s’est jointe aux cris des femmes.

— Opa !

Ma belle grecque est comme illuminée et portée en transe dans la danse : je grave les contours de son visage à cet instant, à jamais dans ma mémoire. Quand soudain, le danseur trouvant sans doute la chaise trop vide, l’échange contre celle d’Alexandra, avec elle assise dessus ! Elle est toute la Grèce ! Splendide, joyeuse, éternelle, dans sa beauté.


Extrait 6 :

Ce soir-là, ils rentrèrent tôt, sans s’enivrer comme à leur habitude chaque week-end. Ils devaient s'assurer qu'ils avaient tout le matériel : vêtements de camouflage, fusils, couteaux, ceinture à gibier, bottes, sifflets à ultrason et à oiseaux, gibecières, talkies-walkies, filets, quelques bâtons de dynamite, cartouchières, gourdes, boussoles, cartes.
Lucien s'occupait des affaires de Jules, étant donné que celui-ci avait à peine la place dans sa R21 pour embarquer la nourriture pour le groupe mais surtout les packs de bière, car pour une chasse comme celle-ci, il fallait au minimum trois packs par personne sans compter les cubiques de rosé et quelques bouteilles de Pastis. Lorsque Pierrot rentra chez lui, il trouva sa femme en train de respirer comme une chienne en chaleur.
— Mais qu'est-ce qui te prend la Julie, ça va pas ?

Julie se calma quelques secondes pour répondre :
 — Il faut que tu m'amènes à l'hôpital, j'vais accoucher.

Pierrot s'énerva :
— Ah ça c'est typiquement de toi, me faire ça la veille de ma grande chasse ! Si tu crois que j'vais quitter la chasse pour ton troisième chiard, tu peux rêver, j'te dépose à la clinique et j'rentre.



Extrait 7 :
 
Le bâtiment de briques rouges, situé en bordure de scène, quai de la Rapée, était un peu la deuxième maison des flics de la Criminelle. L’antichambre des enquêtes. On y découpait du cadavre à tour de bras, des noyés retrouvés au fond de la Seine, des pendus, des accidentés, des « pourris » qu’on ramassait parfois après des semaines, morts seuls chez eux sans que personne s’en aperçoive. Sharko ne comptait même plus le nombre de fois où il était venu dans ces couloirs glauques ni la quantité de tripes à l’air qu’il avait pu apercevoir. Ces horreurs faisaient partie de son quotidien, comme lorsqu’on va acheter sa baguette le matin.
Chénaix vint le chercher, ils se saluèrent dans les ténèbres du bâtiment. Sharko s’était depuis longtemps habitué aux cadavres, mais jamais aux odeurs qui imprégnaient les murs et saturaient l’air. La mort puait. Certes on s’y faisait au bout de cinq minutes, mais le cap n’était jamais simple à franchir.



Extrait 8 :


Alors l’entraînement débute. Celui qui court le plus vite, frappe le plus fort, tire avec le plus de précision et pisse le plus loin est promu soldat du jour. En récompense de ses exploits, on lui plante une plume de coq sur le casque.
La cloche de bronze de quatorze heures annonce le début des hostilités. Tous se retrouvent devant les séculaires remparts de Troie, aux lourdes portes forgées, décorées pour l'occasion des têtes de nos anciens frères d'armes, plantés sur des piques.
Les deux armées – du moins ce qu'il en reste –, se plantent face à face et s'invectivent : chiens de Troyens, ta mère s'enfile le Péloponnèse, et autres coutumières insultes pour se monter le bourrichon et trouver du cœur à l’ouvrage. En dix ans de guerre, on en vient à connaître ses ennemis mieux que ses maîtresses, à les appeler par leurs prénoms, à préférer certains adversaires, à se donner des rendez-vous sur le champ de bataille.

Extrait 9 :

Lanya se redressa et laissa le feu démoniaque s'écouler de ses paumes ouvertes. Il se déversa sur Mélia par vagues, puis elle rapprocha de l'inquisitrice en flamme les trois artefacts sombres.
Les traits de la jeune femme étaient déformés par la souffrance. Ses pouvoirs tentaient tant bien que mal d'apaiser les brûlures qui couvraient l'intégralité de son corps.
Lorsque la brume la submergea, elle se retrouva dans un univers lugubre, où la lumière du soleil ne parvenait qu'à travers d'épais nuages noirs.
Lanya attendait à ses côtés et lui expliqua :
-- Nous sommes dans un monde lié à l'Enfer. Ici, personne ne te viendra en aide et tu passeras tes journées à te consumer lentement et tes nuits à te soigner grâce à tes dons de guérisseuse. Je gage que tu pourras survivre ainsi plusieurs années. Tu disposes d'une très grande quantité de magie en toi, je le reconnais. Une fois vidée de tes pouvoirs, ce feu maléfique te dévorera corps et âme, ne laissant de ta personne qu'ombre et poussière.

Extrait 10 :

Je restais encore dix minutes pour terminer mes signatures et échanger quelques mots avec la responsable du magasin.
-Vous pouvez sortir par-derrière, me dit-elle.
Elle avait commencé à descendre son rideau de fer lorsqu'on frappa à la vitre. Une lectrice retardataire agita son exemplaire, joignant ses mains en prière pour qu'on la laisse entrer.
Après m'avoir interrogé du regard, la libraire accepta de lui ouvrir. Je dévissais le capuchon de mon stylo et me remis à ma table.
-Je m'appelle Sarah ! dit la jeune femme en présentant son ouvrage.
Tandis que je dédicaçais son livre, une autre cliente profita de la porte ouverte pour pénétrer dans la librairie.
Je rendis son exemplaire à "Sarah" et, sans lever les yeux pris le livre suivant.
-C'est pour qui ? demandais-je.
-Pour Lilly, me répondit une voix douce et posée.
Emporté par mon élan, j'allais orthographier son nom sur la première page lorsqu'elle ajouta :
-Mais si tu préfères Billie...
Je levais la tête et compris alors que l'existence venait de m'offrir une seconde chance...



Réponses :


Extrait 1 : Vous revoir, Marc Levy (édité)


Extrait 2 : Elie et l'apocalypse, Elen Brig Koridwen (indépendant)


Extrait 3 : David Gemell, cycle de Drenaï (édité)


Extrait 4 : Le premier jour du reste de ma vie, Virginie Grimaldi (édité)


Extrait 5 : Alexandre Barridon, Les voyages érotiques (indépendant)


Extrait 6 : Patricia Epstein, Ligue d'Outre-Tombe, Corps de Chasse (indépendant)


Extrait 7 : Sharko, Frank Thilliez (édité)


Extrait 8 : Eric Abbel, Mytho (indépendant)


Extrait 9 : Armort le Prophète, Pascal Letteron (indépendant et édité dans de petites maisons d'édition)


Extrait 10 : Musso, La fille de papier (édité)



Maintenant, analysons la qualité stylistique de l'extrait du grand Guillaume Musso, un des auteurs édités qui vend le plus en France aujourd'hui. Il a bénéficié des corrections, des relectures de la part de professionnels aguerris, son texte devrait donc être sans tâche.


D'abord, j'ai passé ce petit extrait à Repetition-Detector. Normalement, un texte aussi court travaillé et relu ne devrait pas avoir de répétions, mais là, je trouve cinq fois la conjonction "pour". Je ne sais plus qui disait qu'il fallait éviter trop de "mais où et donc or ni car" dans un texte littéraire. Quoi qu'il en soit, ces conjonctions sont utiles dans une dissertation d'étudiant, et peuvent nuire à la beauté d'un texte.


Au niveau du vocabulaire utilisé par l'auteur, les mots sont tous basiques, sans exception. Je ne dis pas qu'il ne faille pas en mettre dans son roman, je dis que ne mettre que ça reflète un niveau littéraire moyen, voire médiocre. Sans doute est-ce pour s'adapter au niveau de français de son lectorat.


Dans cet extrait, pas d'images, pas de métaphores, pas de descriptions, on reste concentré sur ce qui se passe, comme dans un scénario de film. Côté émotionnel, le narrateur ne se lâche qu'à la dernière phrase et encore, il ne fait que susciter notre intérêt pour la suite, on ne plonge pas dans les méandres de ses pensées ni dans le chaos de ses émotions, d'ailleurs les dialogues sont très neutres, sinon sans intérêt. Cette scène, pourtant pivot du roman, aurait pu être écrite en deux lignes et deux dialogues, tout le reste n'est que remplissage. Quand on pense qu'avec des scènes écrites comme ça, Musso a vendu plus d'un million d'exemplaires, on comprend l'importance du marketing. Et là, je dis aux auteurs indépendants : arrêtez de complexer !

lundi 20 août 2018

Pensées criminogènes



Quantique, base du Groupe d'Analyse Comportemental (GAC), Sarzay, France

Nietzche a dit "Pour survivre à la guerre, il faut devenir la guerre".


Le commandant Arthur Hocher réunit son équipe dans la salle de briefing. Il demande à Jeanine Jareau d'exposer les faits. Celle-ci se passe la main nerveusement dans ses cheveux blonds lissés avant d'allumer son rétro-projecteur et de montrer les photos d'un meurtre :
Alors… Heu… la police de Roubaix nous a transmis une affaire troublante : Joël Cousin, 33 ans, chômeur longue durée, a été retrouvé mort dans son salon, hier, le 9 avril, le mot NTIC a été tracée avec son sang sur le miroir. Cela nous rappelle quatre autres affaires semblables. Mickaël Cloadec à Douarnenez le 15 janvier, Sylvie Jaunin à Cahors le 22 février, Patrick Lebon à Cholet le 16 mars, et Thomas Quéro à Morange en Lorraine le 1er avril.
Arthur Hocher, que tout le monde appelle “Hoche”, commente sans aucune émotion dans la voix :
J J, quels sont les points communs entre ces meurtres ?
Je sais pas moi heu… ah oui ! J'avais oublié : à chaque fois, un mot a été tracé avec le sang de la victime :
MONDE
ACTION
CAPITAL
RESEAU
OMC
NTIC

Jean Guidon, le vétéran de l'équipe, plisse son front dégarni d'une ride :
Le meurtrier veut nous donner une énigme.
Sylvain Ridu, jeune asperger, impressionne avec son QI de 660 et ses nombreux diplômes :
A priori ce sont des mots du vocabulaire de la mondialisation économique, mais c'est peut-être un code, je vais essayer de le déchiffrer.
Le grand costaud de la bande, Damien Morgant, un Antillais un peu frimeur, demande des précisions :
Des points communs à propos des victimes ?
Sylvie Jaunin, 50 ans, était agricultrice bio, Patrick Lebon, 58 ans, était un petit patron de PME, il fabriquait des chaussures, Thomas Quéro, 41 ans, était syndicaliste. A priori, aucun rapport, pas le même âge, pas la même classe sociale, et de genre différent.
Bon travail J J, fait Morgant avec un large sourire de dragueur.
Merci, hi hi hi.
Hoche joue au boss en donnant ses directives :
Bon, Ridu, continue à chercher la signification du message codé, et pars avec Guidon sur la scène de crime à Roubaix, Morgant et moi, nous allons interroger la police locale, JJ tu nous accompagnes.
Puis il prend son téléphone et appelle Pétronelle Da Silva :
Da Silva, fais une recherche pour nous sur les meurtres, trouve-nous les points communs entre les victimes.
Pas de problème, boss, c'est parti !
Soudain, le téléphone portable de Hoche vibre, il l'ouvre, c'est sa femme :
Arthur ? Je voulais te rappeller de ne pas oublier ce soir, c'est notre anniversaire de mariage, j'ai préparé un bon petit souper tous les deux. J'ai trouvé un baby-sitter pour notre fils, ce sera plus intime.
Armmf ! Désolé chérie, je suis en route pour Roubaix pour le travail, mais je serai là demain, promis.
C'est pas grave mon chéri, mais n'oublie pas de venir demain au spectacle de ton fils, il joue une petite pièce pour la fête de l'école.
Oui j'y serai sans faute… au fait, tu as donc trouvé un nouveau baby-sitter ?
Un mec génial, il s'appelle George Foyet.
Tiens, c'est marrant, il porte le même nom qu'un serial-killer que nous pourchassons depuis des années.
Tu travailles trop chéri, tu vois des monstres partout.

Hoche raccroche, ils ont du pain sur la planche.

* * *

Avion bi-moteur en direction de Roubaix.
Assis dans le bi-moteur, le bruit assourdissant des hélices,
Ridu travaille sur le message codé :
J'ai compris qu'en fait, ce n'étaient pas les mots qui importaient, mais la première lettre de chacun d'entre eux, ça donne : M, A, C, R, O, et N. Si on fait un anagramme avec ces lettres, on obtient en cinq lettres les mots suivants : Mâcon, Maçon, Coran, Roman…
Avec Guidon, ils viennent à peine de commencer une partie d'échecs, deux seuls pions ont été joués, Guidon en déplace un autre et dit :
Mat en 37 coups… C'est intéressant ce que tu as trouvé, il faudrait se demander s'il n'y a pas un livre écrit par un franc-maçon à Mâcon qui parle du Coran.
Mahomet le Prophète, de Voltaire, paru en 1743, j'ai commencé une thèse sur ce livre pour mon doctorat de lettres, répond Ridu.
Mais ça n'explique pas le rapport avec la ville de Mâcon.
Attend, je me renseigne, dit Morgant qui ouvre les yeux après sa sieste, allo belle des champs, ici prince de la soka dance.
Da Silva répond au téléphone avec une voix sensuelle :
Tout ce que tu veux, mon étalon des îles.
Trouve-moi un rapport entre Voltaire et la ville de Mâcon.
Pas de problème… alors… il y a un café Voltaire à Mâcon… ah ! Mais j'ai trouvé une trace de retrait de liquide d'une des victimes à Mâcon, dans un bancomat situé dans la même rue que ce café.
Merci Cléopâtre de mes fantasmes.
Hoche conclut :
Bon, on fait un arrêt à Mâcon.

Le bi-moteur se pose sur la piste de l'aérodrome de Mâcon. La gendarmerie locale leur a prêté une 4L, celle-ci les attend.
Hoche ordonne à Morgant de l'accompagner et aux autres de repartir pour Roubaix :
Avec Morgant, on va dans ce café, on se retrouve tout à l'heure à Roubaix. Ridu : tu poursuis le décodage du message, il y a peut-être autre chose.

* * *

Hoche et Morgant entrent dans le café Voltaire. C'est un joli troquet avec une terrasse. Ils vont au bar et montrent leur carte de police au patron.
Police criminelle, nous avons quelques questions à vous poser, dit Hoche gravement.
Oui ?
Reconnaissez-vous cette personne ? demande Morgant en tendant la photo d'une des victimes : Thomas Quéro, le syndicaliste.
C'est que j'en vois des centaines chaque jour, vous savez.
Regardez bien s'il vous plait.
Ouais, je me souviens de ce type, il est resté au moins trois heures sur la terrasse en ne buvant qu'un seul café noir, le genre de radin qui ne consomme pas et occupe une table pendant des heures, j'étais à deux doigts de le virer quand quelqu'un est venu à sa table.
Pouvez-vous me décrire cette personne ?
Alors… heu.. un homme, la trentaine ou la quarantaine, rouquin ou chatain, habillé en costard, le genre golden boy.
Et ils sont allés s'asseoir où ?
A cette table, là.
Morgant va s'asseoir à la table et regarde partout autour de lui à la recherche d'un indice, se mettant à la place de la victime, s'imaginant son interlocuteur, mais rien, alors il a l'idée de regarder sous la table et aperçoit un petit fascicule scotché sous le meuble. Il l'arrache et le lit.
Hoche ! J'ai trouvé quelque chose. C'est une représentation théâtrale qui a eu lieu en 1993, et devinez quel était le nom de la pièce ? Mahomet le Prophète !


* * *

Guidon et Ridu arrivent devant la maison de Joël Cousin à Roubaix, c'est une petite maison ouvrière du XIXe siècle en briques rouges située dans un quartier populaire. Ils entrent et trouvent la scène de crime. Le capitaine Antoine Durand les accompagne, c'est un enquêteur chevroné, c'est lui qui explique :
Aucune trace d'effraction, aucune empreinte, la victime a été frappée avec une calculatrice et l'assassin a placé une liasse de billets de dollars dans la bouche.
Guidon commente :
C'est un tueur organisé, il ne laisse rien au hasard.
Ridu ajoute :
La calculatrice montre qu'il veut imposer à sa victime la loi du calcul, et les billets ce sont ses remords, c'est le prix de leur vie.
La loi du calcul, l'argent, c'est la loi du marché, l'assassin croit fermement à l'idéologie capitaliste.
Durand voit les choses différemment :
Je pense qu'on devrait plutôt trouver d'où viennent ces dollars.
Non, c'est un individu beaucoup trop intelligent pour n'avoir pas pensé à ça, répond sèchement Guidon.
Pourquoi des dollars et pas des euros ? s'interroge Ridu.
Le dollar symbolise le pouvoir, c'est un homme puissant.
Et pourquoi il fait ça ? demande Durand, incrédule.
Il a tourné sa victime face contre terre, il veut lui montrer qu'il est le maître, il fait partie des gagnants, tandis que sa victime fait partie de la France d'en bas, des sans-dents, des désespérés. Il a du mépris pour eux, explique Guidon.
C'est rien qu'un grand malade, juge le lieutenant. Au fait, il y a aussi cette boite de macarons au chocolat sur la table basse, elle est vide, et l'autopsie n'a pas révélé de traces dans l'estomac de la victime. En plus, la boite vient d'une chocolaterie d'Amiens, c'est quelque chose de trop luxueux pour un chômeur.
C'est sans intérêt, réplique Ridu.
Et qu'est-ce que t'en sais le jeunot ? T'as même pas 25 ans.
J'ai un doctorat de nutripsychologie et un autre en neuroscience, alors je sais que c'est un élément sans intérêt.

* * *

Quelques heures plus tard, le groupe se retrouve au commissariat de Roubaix. Ils se transmettent toutes les informations qu'ils ont recueillies. Da Silva les contacte :
Alors j'ai passé la journée sur les données des victimes, sur leur facebook et sur les emails, elles ont un point commun : leur haine viscérale de la mondialisation économique.
Ca explique les dollars, raisonne Ridu.
Réunissez tout le monde, on a un profil, dit Guidon.
Devant l'ensemble des policiers de Roubaix, l'équipe du GAC est au grand complet. Hoche commence :
Merci de votre attention, nous pensons que le suspect est un individu de race blanche, des cheveux chatain roux, il s'habille avec des costumes chics.
C'est un homme de pouvoir, ajoute Guidon, un banquier, un PDG ou un politicien.
Son profil psychologique indique un psychopathe, renchérit Ridu, il est intelligent, peut-être même brillant, machiavélique, et prêt à tout pour parvenir à ses fins, il croit avoir une vision, il se prend pour une espèce de prophète des temps modernes, une sorte de révolutionnaire.
Cherchez partout autour de vous des comportements suspects : le genre gourou pour business man, cadre de multinationale ou de grande banque aux ambitieux projets de fusion, quelqu'un qui s'enrichit rapidement, un homme pressé qui aime travailler son image, capable de créer un mouvement politique et de gagner des élections en quelques mois, précise Morgant.
On pense qu'il a environ 39 ans, et que c'est un amateur de théâtre, dit Ridu,
Il est sûr de lui, il entre facilement chez les gens, en plein jour, il gagne leur confiance avec un discours adapté. C'est le genre capable de téléphoner à tout le monde pour convaincre, dit Morgant.
Ses crimes sont de plus en plus rapprochés, il prend goût au meurtre, il s'améliore après chaque crime, il recommencera bientôt, conclut Guidon.
Vous avez des questions ? fait Hoche.
Oui, demande un capitaine de police, c'est quoi votre plan pour l'arrêter ?
Il fera une erreur tôt ou tard, alors on attend son prochain meurtre, précise Hoche.
Combien de morts faudra-t-il avant qu'il fasse une erreur ? s'écrie une jeune lieutenant de police.
Nous allons l'énerver avec une campagne de presse ciblée, il se sentira vexé et agira dans la précipitation, rassurez-vous, dit Morgant, on sait ce qu'on fait, on est des professionnels.

* * *

L'agent Jeanine Jareau est sur une tribune de presse devant les caméras et les microphones des journalistes.
Bonjour, nous souhaitons avertir la population de l'existence d'un serial-killer qui s'attaque à des personnes adultes, en général hostiles à la mondialisation économique, il choisit ses victimes parmi les gens qu'il croit être des perdants. Nous trouvons qu'il manque de style et qu'il n'est pas brillant, ses dollars ne nous impressionnent pas, il a beau gagner des millions, ce n'est pas ce qui fait la réussite d'un homme. Quant au mythe de la croissance économique, pfff, ça fait des décennies qu'on sait que l'humanité va dans le mur en suivant ses préceptes.

Après avoir répondu aux questions, J J retourne auprès de son équipe.
Hoche la félicite :
Bravo J J, tu as été parfaite, maintenant il est sûr que notre homme va se manifester.

* * *

Les meurtres recommencent : un SDF, une péripatéticienne, un enseignant pro-Poutine, une licenciée de Whirlpool, un Suisse après un concert de Michel Bülher… neuf en une seule semaine, un vrai massacre.
Ridu commente les nouvelles données des meurtres :
Alors, nous avons huit nouveaux mots :
BUSINESS
RENDEMENT
INVESTISSEMENT
GAIN
INTERFACE
TAFTA
TAUX
ECONOMIE
Si on prend les premières lettres, on obtient les lettres B,R,I,G,I,T,T, et E.

Cette fois, Antoine Durand se met en colère face à Hoche et le reste de son équipe :
Vous m'aviez dit que l'assassin commettrait une erreur, et là, rien, pas un vrai indice, pas un témoin, seulement la psychose s'est emparée de la rue et les médias nous traitent d'incapables !
Calmez-vous, fait Hoche, je sais que c'est horrible, mais c'était un mal nécessaire, vous verrez, faites-nous confiance.
Non, je fais moi aussi mon enquête, j'ai enquêté sur les macarons d'Amiens et j'ai trouvé un lien avec une certaine Brigitte Macron, ses parents tiennent la chocolaterie, et MACARON, en plus j'ai trouvé que les dollars proviennent de la banque Rothshild, c'est un indice sérieux ça !
Morgant se place devant le capitaine et dit d'un air condescendant :
Ecoutez, vous faites ce que vous pouvez pour aider, mais nous, on est les meilleurs dans le profailleling, faites-nous confiance.
Je vous laisse vingt-quatre heures, après j'agis selon mes méthodes !

Une fois seuls à seuls, l'équipe a néanmoins quelques doutes, Guidon dit :
Durand a raison, on n'avance pas depuis une semaine.
Hoche demande à Ridu :
Où en es-tu du déchiffrage du message ?
J'ai une nouvelle piste, je me demande si cela n'a pas un rapport avec la mythologie :
MA : MAE THORANI
CRON : CRONOS
BRIGITTE : BRIGIT
Maé c'est la déesse de la terre chez les Boudhistes, Cronos c'est le dieu du temps chez les Grecs et Brigit c'est la déesse de la guerre, de la magie et des arts chez les Celtes. Maé symbolise la Terre, Cronos le Ciel, et Brigit l'Esprit, l'Air.
Comment est-ce que tu sais tout ça ? s'exclame Morgant.
J'ai un doctorat en mythologie, répond Ridu.
Mais à quoi ça nous avance ? se lamente Guidon en regardant de nouveau les indices sur le tableau.
Guidon propose en désignant la carte de France accrochée au mur :
Nous devrions procéder à une localisation des différents meurtres, cela a certainement une signification.
Avec Morgant, ils tracent au feutre des lignes entre les points où ont eu lieu les homicides. Puis ils reculent et voient avec stupéfaction qu'ils ont dessiné un symbole : une pomme croquée.
C'est le symbole d'Apple ! s'exclame J J.
Qu'est-ce que c'est que ce délire ? dit Morgant.
C'est un hommage au grand mathématicien Alan Turing, celui qui a décodé le code secret des Nazis, celui-ci s'est suicidé en croquant une pomme empoisonnée au cyanure, répond Ridu.
Comment tu sais tout ça ? demande J J.
J'ai un doctorat d'histoire contemporaine et un autre de mathématique.
Ca explique pourquoi le meurtrier utilise une calculatrice. Quant à Apple, c'est une des plus rentables multinationales du monde, d'où les dollars. Par contre, on est toujours pas plus avancés.
Ca doit avoir un rapport avec la pièce de théâtre de Voltaire, indique Hoche.
Je la connais très bien, dit Ridu, mais je ne vois aucun rapport… à moins que… Voltaire parle de Cronos dans son traité sur l'idôlatrie et dans ce même texte, il conclut sur les mahométans que ce sont eux qui nous traitent d'idôlatres.
On revient donc à cette histoire de Mahomet, mais qu'est-ce que ça peut vouloir dire ? se lamente Guidon.
Morgant a une idée :
Peut-être que c'est pas le contenu de la pièce de théâtre qui compte, mais la pièce en elle-même, celle jouée en 1993… à Amiens. Regardez, sur le fascicule, l'adresse mentionnée c'est un lycée jésuite d'Amiens.
Amiens, Amiens, quelqu'un nous a parlé de cette ville, dit Guidon en se grattant la tête.
Morgant interroge Da Silva :
Salut ma belle fée des bois, donne-moi une information : trouve-nous toutes les informations sur une pièce de théâtre jouée à l'époque.
Alors… j'ai trouvé mon prince, la professeure de théâtre d'alors s'appelle aujourd'hui Brigitte Macron !
Brigitte Macron ! Voilà le message du tueur, essaye de localiser cette femme.
Ok ! Ah, voilà, 55 rue du faubourg Saint Honoré à Paris.

L'équipe part aussitôt pour Paris, ils empruntent le TGV. A l'intérieur, ils font le point :
Brigitte Macron est une femme qui a un lien avec tous ces meurtres, nous devons l'interroger, elle connaît sûrement l'assassin.

* * *

Faubourg St Honoré, Paris

Brigitte sort du Palais de l'Elysée, toute fringante, elle traverse la rue pour se diriger vers la boutique voisine Milady dans le but d'y acheter quelques robes. Soudain, des policiers du GIGN l'encerclent, elle s'arrête, un peu étonnée. Morgant, en tenue d'intervention protégé d'un gilet pare-balle et brandissant son pistolet légèrement de biais, hurle :
G.A.C. ! Pas un geste Madame Macron !
Elle lève les mains, et les policiers se précipitent sur elle, la menottent et l'emmènent rapidement dans un véhicule.

* * *

Salle d'interrogatoire de la police criminelle de Paris

Morgant cuisine la femme avec son tact habituel :
Vous allez nous dire quel lien vous avez avec ces meurtres ! Regardez ces photos : quatorze meurtres, et ça va continuer si vous ne nous dites rien !
Mais je vous jure, je ne sais pas de quoi vous parlez…
Au bout d'un certain temps, Guidon prend le relais, accompagné de Ridu :
Madame, voulez-vous quelque chose à manger ? Un café ?
Un café je veux bien.
Ridu, va chercher un café pour Madame Macron. Bon, cela doit être éprouvant pour vous, je sais, mais sachez qu'il y a des vies innocentes en jeu, vous pouvez nous aider, j'en suis convaincu.
Je ne sais rien de toute cette affaire, j'en suis désolée.
Est-ce que cette représentation théatrâle vous rappelle quelque chose ?
Elle regarde le fascicule avec stupéfaction :
Mais… c'est la pièce que j'ai fait joué à la classe de mon Emmanuel…
Emmanuel ? C'est qui ça Emmanuel ?
Mon mari.
C'était un de vos élèves ?
Oui.
Parlez-moi de lui.
C'est un homme brillant, qui réussit tout ce qu'il entreprend, il s'est lancé dans une grande révolution pour le pays, un mouvement qui marche bien, c'est un grand leader.

Derrière la vitre sans teint, Hoche appelle Da Silva :
Pétronelle, renseigne-toi sur un certain Emmanuel Macron, le mari de la femme qu'on interroge.
Alors oui, voilà… c'est un homme de 39 ans, un ancien banquier de chez Rothshild, politicien qui a gagné des élections récemment. Il a gagné des milions d'euros ces dernières années.
C'est notre homme ! s'exclame Hoche.
Morgant interpelle Da Silva :
Ma puce, dis-nous où se trouve cet homme actuellement.
Alors… il revient juste d'une visite à Berlin, il sort de l'avion à Orly.
Allons-y ! ordonne Hoche à son équipe.

Quelques minutes plus tard, alors que Morgant roule à très vive allure dans les rues de la capitale, le téléphone de Hoche vibre, c'est sa femme :
Oh ! Je suis complètement désolé chérie, j'ai oublié la fête de l'école, je suis impardonnable !
C'est pas grave mon chéri, de toute façon le baby sitter m'y accompagne en ce moment, c'est un homme charmant.
Amusez-vous bien.
Tiens… il veut te dire un mot.
Passe le moi…
Arthur ? Ne vous inquietez pas, votre femme est entre de bonnes mains...
Merci beaucoup Georges, c'est vraiment sympa de votre part.
Pas de quoi...

* * *
Orly, dix minutes plus tard…

Morgant, Guidon, Hoche, J J et Ridu sont sur les lieux, accompagnés d'une horde de policiers qui bouclent le secteur. Ils dévisagent toutes les personnes dans le hall central.
Il doit être là, s'exclame Guidon.
Da Silva ! Surveille les écrans des caméras de l'aéroport et trouve notre homme, ordonne Hoche.
Séparons-nous, conseille Morgant.

* * *

Dans le parking en sous-sol de l'aéroport, Emmanuel Macron se dirige vers son automobile où l'attend son chauffeur personnel et son garde du corps. C'est alors qu'il aperçoit un jeune homme aux cheveux longs qui arbore fièrement un tee-shirt “France Insoumise”. Il l'interpelle :
Hé toi !
Oui..?
Il s'avance vers lui, avec son sourire séducteur, lui fait un clin d'oeil prononcé et lui dit :
Pourquoi as-tu adhéré à ce mouvement de naïfs ? Aujourd'hui, la seule voie possible, c'est la mienne, libérer la croissance pour créer des emplois, être les plus compétitifs !
Mais Monsieur, je suis pas d'accord, moi heu…
Rejoins le côté sinécure du marché !
Non, ça… jamais, plutôt crever !
Quelle bonne idée !
Emmanuel sort calculatrice de sa poche et la lève au-dessus de sa tête.
Soudain la voix de Morgant résonne dans le sous-sol :
G.A.C. !!!
Emmanuel se retourne, il aperçoit les groupes spéciaux d'intervention des brigades anti-criminalité, il est dans le viseur d'une centaine de fusils d'assaut.
Lâchez votre arme ! ordonne Hoche qui surgit de derrière une Ferrari rose.
Mais Emmanuel attrappe le jeune gars et menace de le tuer avec sa calculette.
N'approchez pas où il meurt avec moi !
J'y vais, fait Guidon en posant son pistolet à terre.
Non, c'est trop dangereux, fait Hoche vainement.
Guidon marche à pas lents en direction d'Emmanuel et de son otage, il cherche à converser avec le tueur :
Emmanuel, je ne suis pas armé.
N'approchez pas !
Je veux juste parler…
Non !
Pendant ce temps, Ridu réfléchit à toute allure, de la fumée sort par ses oreilles : la Terre… le Ciel… l'Esprit… la Terre c'est notre planète, le monde… le Ciel c'est bleu, comme le fromage d'Auvergne, en Auvergne il y a des volcans, les volcans c'est le feu de la Terre, l'Esprit c'est ce qui réfléchit, le miroir réfléchit, l'eau du lac aussi, c'est l'eau, l'eau et le feu, ensemble se transforment en vapeur, le verlan de vapeur c'est peurva, peurva en Bulgare (Ridu a un doctorat de linguistique en Bulgare) c'est “première”.
Le jeune homme se tourne vers Brigitte :
Vous pouvez sauver votre mari, que signifie la “première” ?
C'est lors de sa première fois, au théâtre, il jouait dans une pièce de Milan Kundera.
Milan Kundera ? Pas dans une pièce de Voltaire ?
Non, celle-ci avait été annulée à cause de la critique de la religion contenue dans la pièce. Le meilleur ami gay d'Emmanuel s'était suicidé car il devait tenir le premier rôle, ses parents étaient communistes, ils l'ont puni pour n'avoir pas eu le courage de se plaindre de l'annulation de la pièce. Alors il s'est suicidé en croquant dans une pomme empoisonnée. Emmanuel a été boulversé, il en a beaucoup voulu aux parents de son ami.
Comment s'appellait cet ami ?
Luc Guidon.
Ridu contacte Da Silva, la presse de donner à Guidon toutes les informations concernant Luc Guidon. Elle se met au travail et en trente secondes chrono, informe Jean dans son oreillette.
Il dit à Emmanuel :
Ecoute-moi Emmanuel… Luc… je suis son père !
Cette révélation fait l'effet d'une bombe, Emmanuel vocifère :
C'est de votre faute si Luc s'est tué !
Non, Emmanuel, je n'y suis pour rien, il était atteint d'une sclérose en lamelles du pancréas, Luc se savait condamné, il n'a pas eu la force de continuer. Baissez votre arme, Emmanuel, c'est fini, tout est fini.
Emmanuel se met à sangloter et lâche sa calculatrice, laissant échapper son otage terrorisé. Aussitôt les policiers se jettent sur lui, Morgant lui met les menottes.
Hoche félicite Guidon :
Je ne savais pas pour ton fils, désolé…
J'ai tout inventé, je n'ai jamais eu d'enfants. On porte le même nom de famille c'est tout.

* * *

Dans le bimoteur qui ramène l'équipe, l'ambiance est sereine et détendue , nos héros sont conscients que même s'ils ont résolu cette affaire, bien d'autres monstres attendent qu'on les arrête.
Hoche reçoit un coup de fil de sa femme :
Arthur ? Je suis désolée, cette fois c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase : ça fait 4256 heures que tu es occupé à ton travail et oublie de rentrer à la maison. Je les ai comptées. Si tu n'es pas là aujourd'hui, je te quitte pour Georges, lui au moins, il prendra soin de nous.
T'inquiète pas chérie, l'avion arrive dans deux heures, je serai là pour le souper.
Tiens je te passe Georges, il a quelque chose à te dire.
Arthur ? Je vous prepare une de mes specialites pour le souper, vous allez vous regaler… Ark Ark Ark !


Sénèque a dit : “Les promesses non tenues ne se rattrappent pas avec des dollars, des abonnements au câble et des vacances aux Maldives...”

Sortie de Face à la Mort sur BoD

Mon nouveau roman, Face à la Mort, est enfin prêt... déjà disponible sur BoD et bientôt sur toutes les plates-formes et les librairies de F...