dimanche 19 août 2018

Britannia : le fond historique du roman

Pour écrire Britannia, Conspiration barbare, j'ai beaucoup travaillé le contexte historique. Je vous livre ici mes petits secrets : ce qui est le fruit de mes recherches historiques et ce qui est romancé. Et même pour ce que j'ai inventé, je me suis souvent basé sur des textes de l'Antiquité tardive et sur des déductions d'historien.

Historien, je le suis, j'ai fait des travaux de recherche sur l'Antiquité tardive, et depuis cette période estudiantine, je n'ai pas cessé de poursuivre ma passion pour cette période. D'ailleurs, je vais prochainement publier un vrai livre d'Histoire, résultat de vingt années de recherches, sous mon vrai nom d'ailleurs. C'est en fait cette passion pour une période méconnue qui m'a donné envie de les transcrire en romans d'aventure ou politico-militaires, mes modèles littéraires étant Salambô de Flaubert, Guerre et Paix de Tolstoï et Les Rois Maudits de Maurice Druon, ainsi qu'un roman américain : Byzance de Michael Ennis. Je suis également un grand admirateur de la plume d'Alexandre Dumas qui a versé également dans le roman sur fond historique comme les célèbres trois mousquetaires, le comte de Montechristo et la Reine Margot. A cela j'ajoute, même si c'est du théâtre l'excellentissime Cyrano de Bergerac. Je pense qu'on peut écrire d'excellents ouvrages mêlant Histoire, aventure, et romance, et c'est un peu mon rêve d'essayer de les égaler.



Le fond historique du roman Britannia - Conspiration barbare repose sur des sources romaines tardives, principalement le grand historien Ammien Marcellin, auteur de la fin du 4e siècle de notre ère. Ammien, c'est un des meilleurs historiens de la période, ses avis font encore autorité, il demeure une des sources les plus importantes, notamment sur le plan militaire.
La période est celle de la seconde moitié du 4e siècle dans la Britannia, c'est à dire l'île de Grande-Bretagne, alors partagée entre la domination romaine sur l'Angleterre actuelle, et les peuples pictes sur l'Ecosse actuelle. La Bretagne a été conquise par les Romains au milieu du 1er siècle de notre ère, sous les empereurs Claude et Néron. Les Romains ont alors déployé leurs légions sur place et construit un mur (le Vallum) pour séparer la Britannia de la Calédonie (Écosse) avec un réseau impressionnant de forts. On appelle cet ouvrage le "mur d'Hadrien". Les légionnaires ont colonisé le pays et les Bretons ont adopté le latin et les coutumes romaines, du moins dans les villes, car dans les campagnes, les Bretons se sont peu latinisés, et ce malgré le fait que les Bretons soient tous devenus citoyens romains en 212. Cette colonisation romaine ressemble à celle de la France dans certains pays africains et ce malgré  Les tribus les moins latinisées de Bretagne ont fourni d'excellents fantassins à l'armée romaine, notamment une légion d'élite, les Britones.


A la fin du 3e siècle, la Bretagne romaine est victime des guerres civiles : d'abord l'usurpation de Carausius, puis d'Allectus sépare l'île du reste de l'empire de 286 à 297. Puis au 4e siècle, Magnence, un usurpateur mi-breton, mi-franc, règne un temps sur l'Occident (349-353), suivi d'un autre usurpateur Carausius II qui plonge l'île dans le chaos, mais les deux hommes sont vaincus par l'empereur Constance II, la Bretagne est alors la proie d'une terrible répression : le secrétaire Paul est chargé de débusquer tous les complices et soutiens de Magnence et de les exécuter. La répression est telle en Bretagne que les exécutions se comptent par centaines, et le gouverneur tente d'assassiner le secrétaire pour arrêter le massacre. Sa tentative échoue et il se tue. Le secrétaire Paul prend alors le surnom de "Catena", la chaîne.
En 361, l'empereur Constance II décède et alors les sbires de cet empereur sont pourchassés. Paul Catena est condamné au tribunal de Chalcédoine et mis à mort, tandis que le maître des offices Palladios (ex premier ministre et chef des services secrets impériaux) est exilé en Bretagne, dans la région de Domnonée (aujourd'hui Cornouaille anglaise).
Le répit des habitants est de courte durée puisqu'en 367, le pays est envahi par tous les peuples barbares voisins : Scots venus d'Hibernie (Irlande), Pictes, Attacots, et aussi les Saxons venus de la côte germanique. Les contemporains ont appelé cet événement la Conspiratio Barbarica, d'où le titre de mon roman. Il est avéré que les barbares se sont concertés pour attaquer en même temps, aidés par les mystérieux Arcani, des espions envoyés par l'empire pour normalement prévenir les Romains des préparatifs barbares, mais cette fois ils ont trahi pour aider les ennemis de Rome,  et grâce à cette conspiration, les armées barbares ont submergé les défenses romaines.


A cette époque, l'armée romaine était répartie en deux secteurs frontaliers. Le premier était le duché de Bretagne, qui correspondait aux garnisons du Vallum et aux forts de la côte de la mer d'Irlande et du Pays de Galles, le duc Fullofaud commandait ce secteur, il y avait des unités de valeur comme la VIe légion à Eburacum (York), la XXe légion Victrix (Victorieuse) à Deva (Chester) et des cavaliers catafractaires (cuirassés) et sarmates (vous savez les fameux Sarmates du film "Le roi Arthur"). Le second secteur était le comté du littoral saxon, à savoir la côte sud-ouest de l'Angleterre. Ce littoral était garni de forts côtiers pour prévenir les attaques des pirates saxons qui traversaient souvent la mer du nord pour aller piller. Ce secteur était commandé par le comte Nectaride. Ces deux généraux étaient tous deux d'origine germanique comme c'était souvent le cas, peut-être étaient-ils des Francs, peuple en général loyal avec Rome. Fullofaud est mort dans une embuscade et Nectaride a été tué au combat, si bien que l'île fut totalement envahie par les barbares. L'empereur Valentinien qui dirige l'Occident est alors occupé par sa guerre contre les Alamans en Gaule, mais déplace sa cour à Amiens afin de décider des opérations à venir pour secourir la Bretagne. A cet effet, il envoie d'abord en Bretagne son comte des domestiques Severe, puis le maître des milices Jovin. Les deux hommes arrivent au même diagnostic : il faut urgemment des renforts, l'armée locale est en déroute et ravagée par les désertions.
En février 368, l'empereur Valentinien envoie un corps expéditionnaire de quatre unités d'élite, des auxiliats palatins : Bataves, Hérules, Joves et Victorieux, commandés par un général espagnol : le maître des milices Théodose l'ancien. Celui-ci est accompagné de son fils Théodose et d'un ami espagnol du nom de Maxime. L'armée débarque à Douvres et marche immédiatement sur Londres, donnant de l'oxygène à la ville. De là, Théodose gracie les déserteurs afin de reconstituer l'armée locale et de rassembler ses forces, puis il attaque avec des petits groupes les bandes de pillards saxons. Quelques mois plus tard, il peut enfin marcher sur le nord du pays pour affronter les Pictes, les Scots et les Attacots. Pendant ce temps à Eburacum, Valentin, un sénateur exilé par l'empereur, (accessoirement beau-frère de Maximin, un des ministres de la cour réputé vil et comploteur) complote pour essayer de soulever ce qui reste de l'armée du nord et de se voir élever par la troupe au rang d'empereur. Mais le complot échoue et Valentin est arrêté. Théodose repousse les barbares et libère les provinces romaines. A ce moment là, les Attacots changent de camp et s'allient aux Romains, ils concluent un traité de paix et ces valeureux guerriers fournissent des recrues, créant quelques unités d'élite d'Attacoti. Ces barbares sont décrits par les contemporains comme se partageant les femmes et ignorant le concept du mariage, on sait que c'étaient une population mêlée de différentes origines : Bretons et Scots.
Théodose franchit le Vallum et gagne le soutien des Bretons du nord, notamment les Votadins. Il crée alors une nouvelle province dans cette région sauvage du sud de l’Écosse. Théodose réorganise le pays, restaure les forts, les garnisons, et l'administration. Une tribu bretonne particulièrement valeureuse, les Cornovi (Cornouaillais), sont alors chargés par le général romain de protéger les côtes du Pays de Galles et de Domnonée de la piraterie scot. Des colonies militaires de Cornovi sont alors dispersées tout le long de cette côte, et nous avons là l'origine de la Cornouaille anglaise.
En 370, Théodose s'en va avec son fils, mais il laisse sur place Maxime qui devient comte de Bretagne avec des pouvoirs militaires étendus.
En 383, l'armée romaine occidentale est mécontente de Gratien, le fils de l'empereur Valentinien (mort en 375), les soldats critiquent la politique du jeune empereur d'amitié avec les peuples du Danube (Goths, Alains et Huns). En Bretagne, l'armée se révolte et Maxime est élevé empereur. La jeunesse bretonne s'engage dans son armée et l'usurpateur débarque en Gaule, la XXe légion Victrix quitte Deva et la Bretagne pour toujours. Près de Paris, l'armée de Gratien se rallie à Maxime et l'empereur légitime s'enfuit avec ses gardes alains. Il est rattrapé près de Lyon et tué. Maxime devient empereur de la Gaule, de l'Espagne et de la Bretagne.


Or son ancien ami Théodose le jeune est devenu empereur d'Orient depuis 379, tandis qu'il reste un autre empereur en Italie-Afrique-Illyrie. Théodose et Maxime s'entendent au départ pour éviter la guerre. Mais Théodose se marie avec la sœur de Gratien qui réclame vengeance et Maxime envahit l'Italie, chassant vers l'est le jeune empereur Valentinien II. En 388, Théodose vainc Maxime en plusieurs batailles en Illyrie et fait tuer Maxime. La paix revient.
En Bretagne, la guerre reprend en 399 avec une nouvelle attaque des Pictes, mais elle est repoussée grâce à une action navale.
En 406-407, les barbares Ostrogoths, Vandales, Alains et Suèves envahissent l'Italie et la Gaule. En Bretagne, l'armée romaine se soulève alors et élève un certain Constantin au trône (Constantin III), celui-ci débarque en force en Gaule à Boulogne et marche contre les barbares, remporte quelques succès et les repousse vers l'Aquitaine, tandis que l'usurpateur marche sur la Provence et finit par s'installer à Arles. Comme il a des ambitions de conquête de l'Italie, en 408 il traite avec les barbares et envoie son général breton Gerontius en Espagne pour écraser les cousins de l'empereur légitime Honorius qui essayent de lever une armée là-bas. Mais en 409, les barbares en profitent pour passer les Pyrénées et se répandre en Espagne. Critiqué, Gérontius craint pour sa vie et soulève ses troupes, faisant de son fils Maxime (un autre Breton !), un empereur. A ce moment là, il y a près de quatre empereurs en Occident et des armées barbares partout, l'empire romain d'Occident est sur le point de se disloquer. Gerontius assiège Constantin III à Arles en 411, mais est finalement vaincu par la contre-attaque de l'armée d'Italie du général Constance. Gerontius est tué et son fils Maxime s'enfuit chez les barbares d'Espagne, devenant leur marionnette jusqu'à ce qu'il soit livré en 417 pour signer la paix avec Rome.



En Bretagne, alors que la guerre civile fait rage en Occident, le peuple est livré à lui-même, de même que celui d'Armorique. Alors vers 410, les cités de ces provinces se soulèvent contre l'autorité de Constantin III et chassent l'administration romaine. Il est dit que ces populations en avaient assez de payer l'impôt pour une armée qui ne les protégeait pas. La Bretagne et l'Armorique sont alors des régions sécessionnistes. Au cours du 5e siècle, l'Armorique est plusieurs fois attaquée par le pouvoir impérial pour essayer de la rallier de force. Un médecin du nom de ... soulève l'Armorique vers 445 et le pouvoir réagit en lâchant des cavaliers alains sur le pays et le chef des Armoricains se réfugie chez Attila. Mais dans la seconde moitié du siècle, l'Armorique est complètement indépendante, et les Francs de Clovis n'occupent pas militairement cette région qui se rallie aux Francs en acceptant un simple protectorat. La ville de Nantes est alors en plein essor et profite du commerce atlantique et de la mer du nord. L'Armorique est finalement victime de l'immigration bretonne qui avec le chef breton vannetais Varoc, met fin à l'autonomie des cités, car Nantes et Rennes se rallient aux Francs dans les années 580.
En Bretagne après 410, l'île est gouvernée par de petits tyrans et potentats locaux, souvent des commandants de garnisons ou des chefs de tribus bretonnes combatives comme les Cornovi et les Votadins (royaume du Goddodin). Un chef semble avoir eu autorité sur tous les Bretons : Vortigern, qui signifie "grand chef". Selon la légende, c'est lui qui aurait attiré les Saxons dans l'île pour conforter son pouvoir. Au milieu du 5e siècle commence l'invasion anglo-saxonne à partir du sud-est. Les Bretons s'organisent et remportent des succès, commandés par leurs chefs Aurelius Ambrosius et Arthur, lequel est à l'origine de la légende du roi Arthur. Finalement après 540, les Bretons sont battus par les Saxons et des royaumes anglo-saxons prennent leur essor, chassant progressivement les Bretons vers l'Ouest jusqu'à les réduire au Pays de Galles, à la Cornouaille et provoquant leur exode massif en Armorique où ils renomment les lieux avec leurs toponymes insulaires, créant la Domnonée, la Cornouaille, et créant de nombreux villages (les fameux "plou" bretons), la (petite) Bretagne est née. D'autres Bretons s'exilent en Espagne, créant la Galice. Dans l'île, les derniers défenseurs bretons créent une communauté défensive, les Cymri (compagnons), à l'origine du nom gallois du Pays de Galles, ils ont d'ailleurs conservé l'emblème des soldats auxiliaires romains, le dragon rouge ! Tandis que Francs et Saxons les appellent du nom de Gaulois qui en germain a donné Galles et Wales.
Au nord en Calédonie, les Scots émigrent et se mêlent aux Pictes, créant un royaume qui deviendra l’Écosse. En Irlande, le Breton St Patrick est enlevé par des pirates irlandais vers 405 et cela lui permet d'évangéliser l'île. Dans l'île de Grande-Bretagne occupée par les Angles et les Saxons, les populations bretonnes se mélangent avec les occupants, même si des viols et des meurtres sont relatés, ainsi que des destructions de villes entières. Néanmoins, même si la population d'Angleterre se germanise au niveau de la langue, bien des mots dérivent du breton et du latin ainsi que des coutumes, et une certaine organisation romaine avec des cités. La population et la culture anglaise naît dans une période de violences et de brassages ethniques plus ou moins forcés, les Anglais l'appellent les "âges sombres".



Au 4e siècle, la Bretagne romaine possédait quelques cités d'importance comme Eburacum (York), Londinium (Londres), Lindum (Lincoln), et surtout Deva Victrix (Chester), certainement la plus grande ville de l'île. L'archéologie a conservé des monuments assez impressionnants et typiquement romains comme des amphithéâtres, des temples, et des forums, ainsi que de solides murailles défensives. Le  Vallum a laissé également de nombreux sites archéologiques d'importance, montrant la disposition des murs des forts et des casernes, ainsi que des ateliers, des forges, et de toute l'activité militaire de la région. On sait aujourd'hui que de nombreux sites militaires ont été occupés même après la chute de Rome, par des soldats locaux britto-romains. Certains roitelets bretons légendaires ont des noms typiquement romains et correspondent à des officiers romains en place. De même les batailles d'Arthur correspondent géographiquement aux deux régions militaires romaines (duché de Bretagne et comté du littoral saxon), quant au fameux chef Aurelius Ambrosius, son nom est suffisamment romain pour y voir un lien.

Ainsi, la Bretagne romaine était elle une région complexe, romanisée en surface, mais suffisamment pour imprégner les élites bretonnes (les premières légendes galloises sur Arthur disent qu'il devint empereur romain), des tribus bretonnes se battirent contre l'envahisseur saxon, ou se mêlèrent à lui, de gré ou de force.  De ces âges sombres sont apparus l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlande, le Pays de Galles et la Bretagne française. Ma saga Brittania a l'ambition de raconter un peu tout cela, même si je souhaite me concentrer sur la période clef 367-383.




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