Il existe plusieurs niveaux de chansons, d'abord la "chansonnette", celle que Brassens disait être faite pour Gavroche et Mimi Pinson, pour des enfants, pour tout le monde en somme. Je n'ai pas de honte à les écouter, car ça fait aussi du bien d'écouter Balavoine, Polnareff, Isabelle Boulay ou Jonnhy Hallyday.
Ensuite, il y a un niveau au-dessus de ce genre, des chansons un peu plus élaborées du point de vue du texte. Là encore les artistes ne manquent pas : Mc Solar, Thiefaine, Ferrat, Mylène Farmer, Tri Yann, Marie-Paule Belle, Reggiani, et bien d'autres encore. Les chansons sont jolies, avec un peu de vocabulaire et quelques images poétiques, de quoi contenter ma soif, mais pas l'étancher.
Et puis il existe un niveau supérieur, avec des artistes inégalés qui ont multiplié les chefs-d’œuvre. Leurs chansons sont magnifiques, poétiques, parfaitement construites, et font vibrer notre âme avec des messages puissants et des tableaux saisissants de leur époque. Ces chanteurs là se comptent sur les doigts de la main. Le premier que j'ai découvert était Jacques Brel, il a accompagné toute mon adolescence. Puis j'ai connu Georges Brassens, dont la richesse du vocabulaire et la qualité poétique sont juste extraordinaires. Et enfin, j'ai rencontré, grâce à ma compagne, la beauté des chansons d'Anne Sylvestre.
Je la connaissais de nom, et, sans doute à cause des médias, je pensais que c'était une chanteuse des années 60, qui s'était reconvertie dans la chansonnette pour enfants et avait arrêté sa carrière ensuite. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir qu'Anne Sylvestre a commencé en 1957 et ne s'est jamais arrêtée depuis ! J'ai écouté toutes ses nombreuses chansons, une œuvre de 24 albums sans parler des enregistrements en public et des compilations. Ce qui m'a frappé, c'est la richesse qualitative : son niveau n'a jamais baissé en 50 ans, ses dernières chansons sont toutes aussi belles que ses premières. Elle avait d'ailleurs été repérée par Georges Brassens qui avait dit d'elle qu'elle était la meilleure compositrice de sa génération. Anne Sylvestre a écrit des chansons de très haut niveau poétique, avec une gouaille comparable à celle de Brel, et un humour digne de Brassens, la touche féminine en plus.
Reste à comprendre pourquoi cette artiste encore en activité à 84 ans est tombée dans l'oubli médiatique depuis les années 80. Il est tout de même scandaleux que nos journalistes, nos télévisions et nos radios boudent une chanteuse de ce niveau. Jacques Brel et Georges Brassens ont droit à passer sur les ondes, on peut encore les entendre au moins une fois par semaine, ils bénéficient aussi de soirées d'hommage à la télévision. Est-ce le privilège des morts ou parce que ce sont des hommes ? Un peu des deux peut-être.
Quoi qu'il en soit, il est terrifiant de constater que nos médias soient passés à côté d'une œuvre extraordinaire, tout cela soit-disant pour leur indice d'écoute. Quel culot que ce fameux indice d'écoute, quant on sait que les ventes dépendent avant tout d'un matraquage publicitaire : la moindre chanson pour débiles mentaux peut s'entendre partout, dans les magasins, les cafés, à la télé, à la radio, à tel point qu'on finit par en fredonner les airs machinalement. Comme le dit l'excellent chanteur suisse Michel Bülher, "ça passe d'une oreille à l'autre sans frôler le cerveau". Alors Anne Sylvestre serait certainement connue du grand public si on prenait la peine de faire découvrir ses chansons. Va-t-on attendre son décès pour s'apercevoir qu'elle fait partie de notre patrimoine culturel ? Que penser du niveau général d'abêtissement des Français ? Il y a de quoi chercher un mur pour pleurer...
En tous cas, même si je ne suis qu'un modeste blogueur, à Anne Sylvestre je dis "merci !" pour toutes ces magnifiques chansons qui m'accompagnent et dont la richesse des textes fait partie de ma culture littéraire. Merci !
Si vous voulez la découvrir, voici quelques exemples, mais je vous recommande d'acheter ses albums, n'importe lequel, vous ne serez jamais déçus par cette Gulliverte de la chanson française :
Écrire pour ne pas mourir
Une sorcière comme les autres
Je cherche un mur pour pleurer
Douce maison
Lettre ouverte à Elise
Et enfin, Anne Sylvestre a un message pour vous...
Tant de choses à vous dire
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